Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Territoire d'une louve
14 mai 2017

La peine de mort vs le droit à la vie.

"Oeil pour oeil, dent pour dent", "Ils ne méritent pas de vivre", "Ce n'est que justice poru la victime et ses proches", "Une exécution coûte basiquement moins cher qu'un emprisonnement à vie", "Un moyen de libérer de l'espace pénitentiaire"... Et toi, as-tu déjà prononcé ce genre de mot ?

Autant d'arguments pour la peine de mort qui prouvent encore une fois que l'être humain moderne regresse, oublie, ne comprend plus, n'est plus apte à ressentir, ni à se projeter. C'est fascinant.

Et toi, qu'en penses-tu ? T'est-il déjà arrivé d'imaginer que l'un de tes proches soit victime d'un meurtrier ou autre criminel ? Comment le vivrais-tu ? Serais-tu pour la peine de mort ? Pourquoi ?

3370-peine-de-mort-guillotine_5508147En 1939, pour la dernière fois en France, une tête était tranchée en public à la guillotine. Eugène Weidmann, surnommé le "tueur au regard de velours", était décapité devant la prison de Versailles. Plutôt que d’observer calmement la scène, les spectateurs auraient commencé à s'agiter, certains auraient même sorti leur mouchoir pour le tamponner d’un peu de sang du condamné, en souvenir de l’événement. La scène est si affligeante que le président de la République de l’époque, Albert Lebrun, décide d’interdire toutes les exécutions publiques, estimant qu’elles stimulent davantage les instincts primaires des citoyens plutôt que de les dissuader de commettre des crimes.

"Butons-les !"

S'acheter une arme. Se sentir protégé. Parer ce sentiment oppressant d'être abandonné par l'Etat. Cet exemple est saisissant : J'ai un voisin qui a passé son permis de chasse pour pouvoir acheter un fusil. Quand il a eu l'arme, il m'a dit: 'Ils peuvent venir, les barbus, je les attends!" Je lui ai répondu: 'Tu les attends pour faire quoi ? Tu veux même pas tuer une mouche !' Mais y a rien à faire : la peur ne se raisonne pas.

Parler de la peine de mort devant sa télé, suite à certains faits divers ou faits tout court, est devenu banal chez bon nombre de personne qui pense tous la même chose concernant les terrorristes, par exemple. "Faut les buter", diront les plus jeunes. "Faut rétablir la guillotine", diront les plus vieux. Et c'est formel : piailler autour de la déchéance de nationalité, ça occupe les gens. Mais la vraie question est ici : peine de mort, ou pas peine de mort ?

Voyons les choses sous un autre angle.

Soyons un petit peu honnête. Hier, les partisans de la réhabilitation de la peine capitale justifiaient leur position par le relâchement de la réponse pénale. Aujourd'hui, ils invoquent l'inhumanité des crimes commis par les djihadistes de l'EI. En fait, il y aura toujours une bonne raison pour vouloir agir comme ceux sur lesquels nous crachons puisque oui, la peine de mort tue. Etonnant, non ? Sauf que tuer est mal, la peine de mort est donc mauvaise. En accord avec Victor Hugo : "Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant !"

Mais voilà, ne penses-tu pas que ces partisans ne voient pas plus loin que la réponse émotionnelle ? Ne penses-tu pas que réfléchir cinq minutes, à tête reposée, en mettant de côté haine et peur, permettrait de se poser les questions réelles et existentielles : Que vaut une vie ? La justice a-t-elle le droit de disposer d'une vie ? Dans quelle société voulons-nous vivre ? 

Tout le monde vieillit. Tout le monde oublie. Les vieux n'y pensent plus. Les jeunes ignorent. Mais le devoir d'humanité vaut pour tous. Et les conséquences ont été, par le passé, dramatique car les procès criminels sont faillibles. Beaucoup de personnes condamnées à mort ont ensuite été innocentées, parfois quelques minutes seulement avant l'heure de leur exécution. D'autres sont morts avant qu'ils aient pu être disculpés. Pour eux, l'erreur est irrévocable. Cela a souvent été le cas dans des affaires qui n'ont pas eu recours aux nouvelles technologies d'investigation, en particulier l'ADN. Depuis 1973, 119 personnes dans 25 Etats américains ont été disculpées et ont quitté le couloir de la mort. 

Le droit à la vie.

La peine de mort est une violation des droits fondamentaux de l'être humain. Et tout le monde semble oublier le droit à la vie. La torture et la cruauté sont mauvaises, c'est un fait. Il existe des êtres humains mauvais, des criminels, que l'on veut élimier sous prétexte qu'ils ne comprennent eux-mêmes pas cette notion du droit à la vie. Alors, pourquoi devenir comme eux ? Je ne comprends pas. Cela relève de la vengeance, et non de la justice. Cela légitime la violence qu’elle prétend combattre.

De plus, la race de l'accusé peut influencer le verdict. Si l'on observe le tissu démographique américain, les proportions ethniques ne sont pas respectées dans le couloir de la mort où les afro-américains sont proportionnellement plus représentés que les blancs. Mais c'est bien sûr ! Quelle honte... Quelle tristesse...

La peine de mort n'est pas plus dissuasive que la prison à vieCet argument se vérifie en particulier dans les Etats américains qui ont réintroduit la peine de mort sans constater de diminution de la criminalité. Les criminels qui s'attendent à être condamnés à mort sont plus sujets à l'usage de la violence, s'épargnant ainsi l'enfermement à vie. Et très franchement, je préfèrerais moi-même être condamnée à mort, plutôt qu'être enfermée à vie. Et toi ? hein ?

Bourreau mais pas criminel ?

Les bourreaux, ceux qui donnent la mort aux condamnés, peuvent être gravement atteint psychologiquement, et physiquement. Lorsque la peine de mort n'est pas absolument nécessaire pour défendre la société, la société n'a pas le droit de demander au personnel pénitentiaire de mettre ainsi leur santé mentale en danger sous prétexte de contenter le peuple, qui s'en lavera les mains. D'ailleurs, le bourreau peut se sentir irrémédiablement criminel à son tour. Peut-être crois-tu qu'il est aisé d'assassiner un criminel ? Peut-être crois-tu que puisque c'est ce qu'il mérite, ce n'est que justice ?

Sais-tu que la peine de mort est un moyen utilisé par certains gouvernements répressids pour éliminer les oposants ? Sais-tu qu'elle est un instrument de pouvoir destiné à terroriser le peuple ? Non, puisque tu es en France. Que tout cela est loin de toi. Tu pleures déjà pour notre démocratie bafouée, alors que prôner la peine de mort, c'est lui crâcher directement au visage.

Sais-tu qu'elle a souvent été prononcée à l'issue de procès bâclés, ou fondée sur des aveux obtenus par la torture ? Absence ou manipulation de preuves, absence d’avocat, absence des accusés eux-mêmes, absence d'interprètes, instruction uniquement à charge, faux témoignages, aveux arrachés sous la torture, aucune possibilité d’appel… Le peuple demande un coupable. La justice lui en donne un, et s'en lave les mains. 

Et une deuxième chance ? ça te fait rire ?

La peine capitale rejette la possibilité de réhabilitation et de deuxième chance. Certains prétendent que le système judiciaire a pour mission d'éduquer et de corriger les personnes reconnues coupables de crimes. Un homme exécuté n'est pas un homme à qui la société a offert une deuxième chance. Et pour en venir à ce type là-haut, dont tout le monde parle mais que personne n'a jamais vu : personne ne peut se placer au-dessus du Salut et personne n'a le pouvoir de juger la capacité d'un homme à se racheter. 

Si tu es pour la peine de mort, j'imagine que tu dois bien te marrer. Un pédophile, une deuxième chance ? hohohoho ! Mais toi alors, ne trouves-tu pas cela affligeant d'être un meurtrier de canapé ? Ne trouves-tu pas cela affligeant d'invoquer la peine de mort, tandis qu'au fond de toi, l'idée du sang et de la douleur d'un criminel stimule tes instincts primaires ? Parce qu'au fond, les faits sont établis. Et il me semble qu'il est très limité d'esprit, voire même très oisif, que de croire que l'unique solution est là.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Je te remercie énormément pour ces mots ! <br /> <br /> <br /> <br /> C'est vraiment super bien écrit, et très clair (excepté quelques coquilles à la fin du texte ;))<br /> <br /> <br /> <br /> C'est un sujet qui me passionne, qui m'a toujours passionnée, j'ai toujours été pour la justice restauratrice. Je partage vraiment ton avis, et je jalouse la manière dont tu expliques ça d'une manière limpide : être satisfait en demandant une peine de mort, c'est, être aussi un meurtrier à son tour. <br /> <br /> <br /> <br /> Après pour faire ma chieuse... je reste, quelque part, pour la peine de mort, si c'est le détenu qui préfère mourir (du moins, ça a été mon avis pendant longtemps, je crois qu'il est en train d'être modifié). Dans le sens où si j'étais un pédophile condamné à perpétuité, sans possibilité de remise de peine, je crois que je préférerais me suicider plutôt que de vivre de cette manière...<br /> <br /> Mais merci d'avoir souligné que la mort n'est jamais une solution. Je crois que c'est ça, que j'oublie un peu trop souvent.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans le 3615MAVIE.COM, malheureusement, j'ai appris récemment la mort d'une copine d'enfance, assassinée par son mari (torturée, violée, et assassinée, pour être exacte). Ça a été une putain de mise à l'épreuve pour mes convictions. La première semaine, j'ai souhaité qu'il subisse exactement tout ce qu'il a fait subir à sa victime. J'ai souhaité qu'il soit dépecé, qu'il soit brisé en prison, qu'il comprenne l'horreur de son geste et qu'il se suicide... Même si, au fond de moi-même, je savais que c'était ma colère qui parlait.<br /> <br /> Ça a été un moment très dur, justement car j'ai toujours cru à la seconde chance, j'ai l'espoir (peut-être naïf) qu'on pourrait réussir à vivre tous ensemble. Que les prisonniers restent des humains, parfois déconnectés de la réalité, les reconnecter est une tâche qui nous incombe. <br /> <br /> <br /> <br /> Il m'a fallu du temps avant de reprendre mes esprits, et ça a été dur de me rendre compte que j'étais capable des mêmes émotions des personnes que je critiquais. De me retrouver de l'autre côté de la barrière. Ne pas pouvoir contrôler ces pensées, et de devenir (même momentanément) une personne que je ne comprenais pas. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Bref, tout ceci ne te concerne pas, mais ton texte m'a fait cogiter sur tout ça. <br /> <br /> Ça me rappelle qu'il faut que je reste forte, même si c'est dur, d'aller au dessus de mes émotions primaires. Dans le même temps, qu'il faut que je sache pardonner aux personnes voulant se venger, car au final, je n'ai pas été bien meilleure qu'eux. <br /> <br /> <br /> <br /> Bravo pour tes textes en général, mais surtout pour celui là qui me parle, beaucoup, actuellement. <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne continuation à toi :)
Répondre
Territoire d'une louve
Publicité
Territoire d'une louve
Archives
Publicité